Bonjour mon corps,
C'est à toi que je veux dire aujourd'hui, combien je te remercie
de m'avoir accompagné depuis tant d'années sur les multiples chemins de ma vie.
C'est vrai que je n'ai pas toujours accordé l'intérêt, l'affection
ou simplement le respect que tu méritais.
Souvent je t'ai même ignoré avec des silences pleins de doutes,
maltraité de regards indifférents, pollué par des reproches sans appel.
Tu es le compagnon dont j'ai le plus abusé, mon corps,que j'ai le plus trahi !
Et aujourd'hui, au mitan de ma vie, je te découvre un peu ému
avec tes cicatrices secrètes, avec ta lassitude, avec tes émerveillements,
mais aussi avec tous tes possibles.
Je me surprends même à t'aimer mon corps.
Avec des envies de te câliner, de te choyer, de te dorloter,
de te donner tout le bon qui est en moi.
J'ai envie de te faire des cadeaux uniques.
De dessiner des fleurs sur ta peau, par exemple.
De t'offrir du Mozart
et même des chansons de Jean Ferrat.
De te donner les rires du soleil,
d'accueillir plus fort la lumière du matin
ou de t'introduire jusqu'aux rêves des étoiles.
Chaque matin, j'ai envie de t'offrir pour le reste du jour les rires de la vie.
Aujourd'hui je peux te dire, que je te suis fidèle mon corps,
non pas malgré moi, mais dans l'acceptation profonde de ton amour.
Car c'est ma découverte la plus étonnante,
j'ai enfin entendu que tu m'aimais mon corps. Que tu prenais soin de moi.
Que tu étais vigilant et extrêmement présent dans tous les actes de ma vie.
Combien de peurs et de violences as-tu affrontées pour me laisser naître !
Combien de malentendus as-tu traversés pour me permettre d'être,
de grandir avec toi !
Combien de maladies m'as-tu évitées !
Combien d'accidents as-tu déviés pour me sauver la vie !
Et combien de renoncements et d'abandons as-tu acceptés pour me laisser enfin entrer dans le plaisir et la liberté d'être enfin moi-même !
Bien sûr il m'arrive parfois encore de te bousculer, de trop te demander.
Il m'arrive même de te laisser aimer par un (une) qui t'enlèverait...
si je la (le) laissais faire !
Mon corps, maintenant que je t'ai rencontré en entier, je ne te lâcherai plus,
Nous irons jusqu'au bout de notre vie commune et quoi qu'il arrive...
Nous vieillirons ensemble.
Jacques Salomé
Printemps 1985